Après une courte présentation de son parcours, de l’université de Reading (Royaume-Uni) à son propre studio, en passant par Monotype, Alice Savoie pose la question de ce que peut apporter l’étude et l’analyse des différentes étapes de l’évolution technique de la création de caractères à un concepteur contemporain.
Comment sont exploitées spécifiquement les nouveautés ? À quoi se réfère-t’on, à quel modèle, à quel corps, en cas de re-création ? Les trente années de l’ère de la photocomposition amenèrent une révolution dans une façon de faire qui n’avait que peu bougé depuis des siècles. Le caractère se dématérialise et devient lumière. L’occasion de revenir sur cette période, encore peu étudiée.
Pour en savoir plus, le site d’Alice Savoie, frenchtype.
Ce film revient sur une étape souvent méconnue, celle de la fabrication mécanique des caractères en eux-mêmes. De la fabrication manuelle (gravure du poinçon et fonte des caractères un par un par dans une matrice) à la fabrication mécanisée permise par l’invention du pantographe et de la machine à graver, permettant aussi l’adaptation de chacun des dessins au corps de la lettre.
Le terme de typographie est à l’origine employé pour définir les impressions obtenues par le relief. Spécifiquement, il désigne la composition de textes à l’aide de caractères mobiles fondus dans un alliage de plomb, d’antimoine et d’étain et coulés dans des matrices, obtenues à partir de poinçons originaux gravés en acier trempé.
La gravure du poinçon, la frappe de la matrice et la fabrication du caractère plomb. Source : Museum Plantin-Moretus.
Le caractère en plomb est un parallélépipède qui porte sur sa partie supérieure le relief de la lettre à l’envers. Plusieurs termes techniques servent à définir son identité. “La chasse” est la largeur du caractère qui varie d’une lettre à l’autre dans un même alphabet (le “m” chasse plus que le “t”) et aussi d’un alphabet à l’autre (un alphabet étroit chasse moins qu’un alphabet normal). “L’approche” est à l’origine directement liée à la fabrication des caractères : c’est la distance entre le dessin de la lettre et le bord du bloc de métal. Déterminée au départ, elle donnait un espacement entre les lettres fidèle au désir du créateur. “Le corps” est une valeur numérique associée à la hauteur de la lettre.
Une ligature. Source : http://commons.wikimedia.org
Le vocabulaire utilisé de nos jours en typographie provient directement des premières heures de l’imprimerie. Ainsi le terme de “bas de casse” qui désigne les minuscules trouve son origine dans le placement de ce type de caractères dans la partie inférieure de la “casse” du compositeur.
Le matériel typographique est également constitué d’éléments non imprimants : les espaces qui déterminent les inter-mots, les interlignes qui sont des lames séparant les lignes de texte, les lingots qui permettent de composer les blancs (fin de page ou marge) et enfin les filets et vignettes.
Vignettes. Source : www.expotec103.com.
Le compositeur typographe compose une à une les lignes du texte dans un composteur. Celles-ci sont ensuite interlignées et justifiées si nécessaire (la justification consiste à répartir des blancs entre les mots pour obtenir des lignes de longueurs égales). Le compositeur dépose ses lignes sur une forme appelée galée. Une fois le pavé fini, l’ensemble est lié solidement et installé sur le marbre.
Les principes de la composition manuelle remontent à l’invention de l’impression à partir de caractères mobiles en Europe par Gutenberg vers 1450.
Un composteur. Source : www.expotec103.com.
Gros plans sur 2 textes composés. Source : www.expotec103.com.
Presse typographique à deux coups, XVIIIe siècle. MAM
Le fonctionnement de la presse typographique à deux coups.
Les matrices du Garamond. Musée Plantin. Source http://www.unostiposduros.com
Un atelier fonctionnant sur les mêmes principes qu’au 15e siècle.
Depuis quelques années, des ateliers de composition refleurissent ici et là, donnant lieu à de multiples expérimentations. Le studio A2-Type et l’atelier londonien New North Press ont travaillé à la création d’un caractère en relief obtenu en impression 3D. À partir de l’étude de caractères décoratifs du 18e siècle, Henrik Kubel et Scott Williams ont imaginé une fonte en grand corps dont les multiples détails se dévoilent de près. Les techniques anciennes rejoignent les avancées les plus pointues.
Typomanie.fr propose
des actualités, de l’histoire,
de la théorie, pour tous
les amateurs de typographie et
les typographes-amateurs…
*********************************
Muriel Paris est graphiste & typographe, diplômée de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD), de l’Atelier national de création typographique (ANCT), et de la Sorbonne (esthétique et philosophie de l’art). Co-fondatrice de la revue Signes, et auteure de nombreux textes sur le sujet, elle est chargée de cours de typographie et design éditorial à l’ESAG-Penninghen.
En 1999, elle conçoit la première version du Petit manuel de composition typographique qui, régulièrement mis à jour, en est aujourd’hui à sa version 3. En 2002, elle imagine un second ouvrage, Des Caractères, à la fois catalogue de caractères et histoire de la lettre.
Elle intervient comme consultante auprès des graphistes et des agences de communication autour de différentes problématiques typographiques.
*********************************
********************************* Aucun texte publié ici ne peut être reproduit sans la permission de l’auteur et tout extrait doit être crédité sous peine de poursuites. *********************************