Archives de l’auteur : Muriel Paris

Fanette Mellier conçoit Connaître et pratiquer le design graphique au collège, un document co-édité par le Centre national des arts plastiques et le réseau Canopé.

Un grand protège cahier transparent, un fascicule de 48 pages à grands carreaux, une série de 5 posters à afficher, c’est la rentrée, bienvenue au collège ! Fanette Mellier invente la madeleine qui nous renvoie à nos premières émotions graphiques, souvent liées à l’école. Cahiers, stylos, livres, tous les jeunes des pays riches vivent au milieu d’objets graphiques sans le savoir.
Mais ça, c’est du physique, du sensoriel, du sensuel, et les plus sensibles d’entre eux finiront peut-être en école d’arts… Question contenu, ce livret propose une approche très sérieuse du graphisme, destinée à aider les enseignants à apprendre aux collégiens les bases de la pratique.

Le kit est conçu en deux parties : d’une part, ce livret théorique à l’usage des enseignants et d’autre part, 5 affiches sur les thèmes suivants : typographie, couleur, visualisation de données, image et mise en page. Pour les affiches, une très belle idée, celle de les penser muettes et de forcer ainsi la parole. Fanette Mellier met en valeur toutes les ficelles du métier, jolies ficelles qui reposent sur l’importance du choix du papier, du mode d’impression et qui font rentrer les non-initiés dans un univers moderne, concret, où la poésie naît aussi de la technique et de son interprétation. Poursuivant ses recherches sur les caractères modulaires géométriques qui lui sont chers depuis longtemps déjà, elle invente un “a” Piou-piou-Pacman et signe la conception graphique d’un bel outil qui pose les bases d’une pédagogie d’initiation toujours à recommencer.

P.S. : Pour ma part, j’aurais aimé un chapitre supplémentaire dans le livret, qui explique la fonction du graphisme – à quoi ça sert  : il me semble plus simple de partir de l’expérience pour arriver à la théorie que l’inverse…. ce qui, soit dit en passant, aurait peut-être aidé ma mère à enfin comprendre à quoi je passe mes journées.

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Le kit est édité à 7 500 exemplaires et est disponible en prêt dans les Ateliers Canopé et sera distribué lors d’animations pédagogiques sur le design. Plus d’informations et adresses des Ateliers sur www.reseau-canope.fr/nous-trouver.
Le kit est également proposé à tous en version téléchargeable, ici.
Pour en savoir plus sur Fanette Mellier, c’est ici.

Une collection de films cultes en DVD par les étudiants de l’Esag-Penninghen.

La connotation est un point essentiel en typographie ; bien sûr, un texte doit d’abord être lu mais son apparence va aussi suggérer, évoquer, installer nombre de références. Le choix du caractère permet de situer une époque, le lien direct à une esthétique, un ton – comme on parle du ton de la voix – une musique, qui participe à la perception du mot comme une bande originale à celle d’un film, et joue de l’inconscient collectif dans lequel tous ces signes sont déjà chargés de sens par l’usage et les habitudes. Monsieur ou madame Tout le monde saura-t-il voir que le choix d’un caractère est mauvais ? non, évidemment… mais on peut être sûr qu’il/elle saura ressentir sa justesse lorsqu’il est bon.

Une fois cette réflexion aboutie, vient le temps de penser à l’expression par la mise en page et là également, la chose n’est pas simple au début. Le fond/la forme. Symbolique, pas décoratif. Quel est le propos du cinéaste dans l’histoire globale du septième art ? À quel mouvance appartient-il, qu’a-t-il apporté ? Et enfin, question essentielle, quel est le sujet principal – pas l’histoire – de ce film en particulier. Le graphiste a, à sa disposition, un certain nombre de possibilités propres à la typographie pour s’exprimer : les tailles des caractères, la distorsion, la manipulation, les contrastes de graisses, les jeux sur l’interlignage, les approches, mais aussi la composition formelle, le jeu avec le format, la gestion dynamique et signifiante de l’espace non imprimé.

Cette recherche est proposée en fin de deuxième année de l’Ésag-Penninghen, lorsque les étudiants commencent à avoir suffisamment de références pour construire un questionnement global et apporter leur propre réponse.

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Plus d’informations sur l’école : http://penninghen.fr/

Claudia de Almeida à Type@Paris2015.

Diplômée de la School of Visual Arts de New York City, Claudia de Almeida s’est spécialisée dans le design éditorial. Lors de cette intervention, elle raconte comment elle a abordé le “re-design” de différents magazines, tels que Domino, Wired et Real Simple Magazine.

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Toutes les images sont extraites du site de Claudia de Almeida. © aux différents auteurs.
Retrouvez le programme des conférences ici : https://www.typeparis.com/talks/

Food for thought Culture et mondialisation par Yu-Hsuan Wang.

Yu-Hsuan Wang est une étudiante originaire de Taïwan qui, déjà titulaire d’une licence de design graphique, est venue en France pour poursuivre ses études à l’ESAG-Penninghen. Son diplôme explore de façon poétique les changements apportés par la mondialisation et le métissage des cultures.

À partir de la cuisine, il construit une sorte de métaphore pour rendre compte de cette diversité. Le phénomène de naissance de nouvelles cultures est comparé à celui de l’évolution des plantes qui possèdent leurs caractéristiques uniques selon leur environnement. De nouvelles plantes donc sont créées pour symboliser les différentes civilisations de l’histoire du monde. Des plats, représentant la rencontre entre les différentes cultures, sont élaborés ensuite à partir de ces ingrédients imaginaires, donnant lieu à de nouvelles recettes.
Pour terminer, tous ces plats sont servis lors d’une fête imaginaire…

Ode à la gourmandise et à la curiosité, ce projet présente des illustrations, mises en page à la manière d’un herbier pour montrer la transformation et la fusion des cultures.

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Pour en savoir plus : yuhsuanwang.com, behance.net/yuhsuan
Plus d’informations sur l’école : http://penninghen.fr/

Plus qu’une journée pour télécharger gratuitement les beaux caractères de titrage de Lift Type.

Ils sont mystérieux les Lift Type… impossible de trouver les noms de ceux qui forment ce groupe et distribuent de fontes gratuites en éditions limitées (sur une période ou une quantité définie). C’est jusqu’à ce soir, on se précipite, merci à eux  !

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http://lift-type.fr/
http://lift-type.tumblr.com/

Ludovic Houplain & Rachel Cazadamont (H5) à Type@Paris.

Ludovic Houplain & Rachel Cazadamont (H5) racontent leur collaboration avec certains artistes de la French Touch, l’exposition Hello H5 et la conception graphique de la campagne d’Anne Hidalgo pour les dernières municipales à Paris. Une utilisation simple et radicale de caractères classiques, remaniés si nécessaire pour renforcer l’impact recherché.

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H5-HidalgoPlus d’images sur le site de H5.

La page d’inscription de la prochaine conférence : Claudia de Almeida + Henrik Kubel.

Tyrsa en conférence à Type@Paris2015.

“Cette session en français se déroule dans le cadre des conférences Type@Paris, organisées par Jean François Porchez.
Dès 99, Alexis Taïeb (Tyrsa) découvre le graffiti et y fait ses premières armes, ses premières esquisses de lettres. De là naitra sa vocation et son amour de la typographie qui guidera naturellement son parcours scolaire.
Diplômé des Gobelins en 2007, il en sortira avec un bagage solide et une connaissance approfondie de la typographie. Que ce soit à partir d’un brief à fortes contraintes ou d’un projet avec une totale liberté, qu’elle soit illustrative ou plus traditionnelle, la typographie est le point de départ et le centre des réflexions du travail d’Alexis Taïeb. Ses visuels précis et modernes, sont le fruit d’une recherche de l’originalité dans les compositions, réinventer la lettre sans jamais perdre son sens, ni celui de l’esthétique.” Texte et vidéo extraits de Make It. Creative Cloud.
la page d’inscription de la prochaine :
https://www.typeparis.com/talks/#H5-jeremytankard

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Plus d’informations ici : tyrsa.fr.

Les petites animations imaginées par Thomas Sipp pour France Culture pour s’initier à l’histoire de la typographie et à ses usages.

Le Trajan.

“Vous êtes venus, vous les avez vues, elles ont vaincu. Le T triomphal, le I impérial, le A indestructible, le N noble, le C définitif. “Titanic”. Trajan, c’est la promesse de frissons, de grand spectacle.”

Le Bodoni.

“De hautes lettres très noires, harmonieuses sur le papier blanc. Des contrastes prononcés entre les pleins et les déliés, mais toujours beaucoup de droiture. Les lettres se tiennent debout comme les colonnes d’un temple grec.”

Le Futura.

“Les capitales ont l’air presque classiques. Froides mais pures. Géométriques.”

Le Mistral.

“Une écriture spontanée, dynamique et irrégulière, toujours à la limite du déséquilibre. Une main invisible semble avoir tracé les lettres qui font danser le texte et courent sur la page, C’est le Mistral.”

Tous les textes de présentation sont extraits des présentations YouTube. Découvrez l’intégralité de Sacrés Caractères sur http://sacrescaracteres.franceculture.fr

Simulacre, de l’aliénation à la différenciation, une recherche graphique d’Ariane Sauvaget.

L’apparence a pris une place centrale dans nos vies pour devenir la vitrine de notre identité. Notre société véhicule des images irréelles et falsifiées qui créent une gigantesque illusion. Déformation et altération des réalités, il existe une distorsion entre le corps réel et celui que l’on porte dans sa tête.

Simulacre propose donc de parcourir les divers registres où se révèlent aujourd’hui le pouvoir des apparences. Comment notre identité est-elle façonnée par la société actuelle ? Peut-on s’éloigner des codes préétablis, se différencier, échapper à une uniformisation de la beauté ? Quels rapports entre le corps et l’identité, jamais figée ni même construite ?

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Pour voir le reste de son travail : http://www.arianesauvaget.com.

Tu ne tueras point, une expérimentation graphique de Gary Colin.

Le travail de Gary Colin pour son diplôme de l’ESAG Penninghen, “Tu ne tueras point”, est une bande dessinée semi-abstraite qui propose de mettre en scène une série d’histoires exposant différentes manières de tuer. Deux protagonistes ressuscitants à chaque fois interprètent de manière nouvelle le “cartoon” et abordent par l’humour et le second degré le thème de la violence intérieure des individus.

L’écriture basée sur une représentation symbolique, dépourvue de décor clairement identifiable, amène le lecteur à interpréter les formes. Il s’agit ici de casser la lecture de la bande dessinée traditionnelle, en permettant une implication plus grande du lecteur.

Le projet s’articule autour d’une narration simple : un méchant, un gentil,  un “tueur”, un “tué”… le premier a la forme d’un diablotin monstrueux et cornu, le deuxième est vermiforme et coiffé d’un béret. L’histoire est volontairement muette : accentuant le vide autour du crime et de la mort, dépossédant les personnages d’une humanité, d’une moralité. Des onomatopées viennent ponctuer la narration, contribuant à une représentation burlesque et imagée des sons de l’action.

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Pour voir le reste de son travail : www.garycolin.fr.

Jean François Porchez ou L’excellence typographique, un ouvrage des éditions Adverbum.

Lorsque je l’ai rencontré aux environs de 1990, Jean François Porchez était déjà créateur de caractères. Moi, jeune graphiste à l’Atelier national de création typographique de l’imprimerie nationale dirigé par Peter Keller, et encouragée par celui-ci à y passer une ou deux années, j’avais choisi la position qui, à mon goût, était la plus confortable : regarder, étudier, essayer de comprendre. Passionnée par le graphisme et la mise en pages, je voulais connaître les secrets de la création de caractères, un domaine totalement fermé à l’époque où les savoir-faire se transmettaient de maître à disciple. Quelques semaines, quelques mois peut-être, ont suffi pour que je me rende compte que l’un parmi nous était déjà dans un autre monde.

C’était pour moi évident : Jean François, que je connaissais à peine, montrait déjà une incroyable maîtrise et ses recherches m’aidaient à voir les pourquoi et les comment du dessin de la lettre. J’avais trouvé un vrai “futur pro” et j’allais en profiter pour discuter pendant des heures et des heures et espionner, en toute amitié, la création en train de se faire. Déjà s’installaient les bases de sa pratique, une approche particulière du dessin, une maîtrise du tracé qui sera un peu sa signature, présente dans tous ses caractères, et un grand souci d’expliquer qu’il mettra en pratique dans sa pédagogie. Je n’ai jamais rencontré de professionnel aussi généreux, prenant autant de plaisir à partager son savoir. Souvent, par la suite, je l’ai appelé pour lui demander de m’expliquer telle ou telle chose ; à chaque fois, même débordé, il a pris tout le temps nécessaire pour me répondre.

Sa connaissance de la calligraphie a influencé sa manière d’aborder la lettre, sans jamais y amener un quelconque maniérisme : des courbes chaleureuses, généreuses, mises en valeur par contraste par des droites extrêmement tendues. L’esthétique de la lettre tient à peu de choses pourtant bien difficiles à mettre en place : une résonance de signe à signe, une palette de traits, un rythme, une structure, organisés selon une logique interne pour aboutir à une entité qui échappera à son créateur pour se laisser apprivoisée par d’autres. Et c’est bien là, le talent du dessinateur de caractères : concevoir des signes qui séduiront d’autres praticiens qui pourront grâce à eux affirmer leur écriture. J’ai souvent utilisé les caractères de Jean François Porchez, avec une préférence pour l’Apolline, le Parisine et le Sabon Next, qui composent des textes d’une lisibilité parfaite, à la fois construits et pleins de souplesse, qui s’intègrent très bien à ma façon de “dessiner” une page.

Chaque nouveau caractère va être le moyen d’explorer un territoire encore inconnu et c’est tant mieux car cela augure d’un nouveau challenge qui va permettre à nouveau de pousser ses limites. Pour un client ou pour lui-même, Jean François Porchez va imaginer une sorte de cahier des charges, un cadre conceptuel qui va lui permettre d’inventer et de transcrire ces concepts dans la forme. Peut-on imaginer un caractère qui aurait à la fois les particularités d’une garalde et celles d’une mécane ? Comment améliorer un caractère de presse ? Comment ouvrir les contreformes d’une lettre pour augmenter sa lisibilité ? Est-il possible d’imaginer une série de fontes provenant des grandes familles de caractères en leur gardant une chasse commune, comme une sorte de boîte à outils offerte aux graphistes ?

L’histoire est toujours présente dans le travail de Jean François Porchez. La pédagogie également. C’est en expliquant la typographie, en commentant la création d’un caractère que l’on apprend aux autres, lecteurs, clients, à l’apprécier. Chaque fonte possède son histoire, mêlant les couleurs de l’époque, l’air du temps, aux résurgences du passé tout en se protégeant des phénomènes de mode. Véritable objet de design, elle est définie par sa fonction dans un contexte technologique précis. Enseignant depuis déjà longtemps, la force de son enthousiasme a conquis des générations d’étudiants qui sont devenus de véritables amoureux de la lettre. Un vrai créateur reste étudiant toute sa vie, il ne cesse jamais de chercher, de découvrir et, pour les plus généreux, de partager.

Vous pouvez en consulter un extrait ici.
Pour l’acheter en ligne : les éditions Adverbum • Pour l’acheter en libraire : Artazart, 83, quai de Valmy, 75010 Paris.

La fontaine aux lettres, ou la typographie racontée à tout le monde, un livre de Joep Pohlen.

Le livre La fontaine aux lettres, dans sa deuxième version, est à la fois un catalogue de présentation de caractères, et un guide pratique pour découvrir l’histoire de la typographie et se familiariser avec les règles d’usage. Il est accompagné d’un site internet qui reprend une partie de l’ouvrage et offre ainsi gratuitement aux étudiants et amateurs une ressource de qualité.

Le chapitre Comment ça a commencé expose une brève histoire de l’écriture et l’avènement de l’ère typographique, en présentant les différentes techniques, des premières impressions à l’aide de caractères mobiles à l’apparition du premier Macinstosh en 1984.

Nom et classification tente de simplifier et de fixer le vocabulaire; pour cela il est bon de noter que la discussion est toujours ouverte et que peu d’appellations sont validées par tous les dessinateurs de caractères et tous les typographes (à noter également que, contrairement à ce qui est écrit, les points et virgules ne sont pas utilisés pour composer les chiffres aujourd’hui en France). S’il paraît normal de réactualiser la classification Vox, créée dans les années 50, on peut s’interroger sur la nécessité de maintenir une famille spéciale pous les incises qui sont très peu nombreuses et sur l’efficacité d’un nouveau système qui introduit une classification dans la classification en redécoupant six fois la famille titrage, compliquant les choses au lieu de les simplifier.

Au sommaire de ce chapitre : Zoom sur les familles de caractères / Capitales et bas de casse / Les variantes / Les petites capitales / Ligatures, diphtongues et logotypes / Chiffres / Signes de ponctuation / Les accents / Autres caractères courants / Systèmes de mesure / Système métrique ou décimal / Système Didot / Système pica / Le pouce / Le corps / Mesure du corps et de l’interligne / Les caractères et leur classification / Vox+ / Vox+1 / Vox+2 / Vox+3 /
Le chapitre Du dessin à la fonte s’attarde sur le processus de création et balise toutes les étapes importantes. On y voit, entre autres, que le schéma idéal des capitales provient de la capitale romaine à l’origine gravée dans la pierre, les corrections optiques nécessaires pour que les rondes soient perçues comme étant de même hauteur que les autres lettres. Il explique également les phases plus techniques nécessaires pour générer une fonte comme l’interpolation qui permet d’obtenir une graisse intermédaire entre deux versions, par exemple regular et extra bold, le réglage des approches de paire, appelé le crénage, et explique la naissance du format Opentype.

Le Guide pratique resitue la naissance de l’esthétique numérique dans son époque, lorsque le do it yourself du mouvement Punk entraîne toute une génération vers l’indépendance et que des magazines synthétisent dans leur mise en page les idéaux du mouvement New wave, appelé aussi Déconstructivisme, développé en réaction au Style international.
L’histoire des fonderies raconte une adaptation, quelquefois difficile, au nouvel univers technologique, la naissance d’Emigre, de Fontshop et des petites fonderies, reposant souvent sur les épaules d’un seul créateur. La fin de ce chapitre explique comment, par l’application de règles simples, composer un texte et mettre en page de façon à atteindre l’objectif de la bonne typographie qui est, selon l’auteur, “triple. Tout d’abord, elle cherche à susciter l’intérêt du lecteur. Ensuite, elle favorise la lisibilité du texte. Enfin, elle détermine la direction et le rythme de la lecture.”

Là s’arrête la partie commune au site et au livre. Il faut acheter l’ouvrage pour profiter de la partie catalogue, de l’index des fonderies et du glossaire, parties passionnantes, très bien documentées qui répondent à toutes les questions que l’on peut se poser sur la pratique et l’histoire de la création de caractères. Très intelligente aussi la présentation de variantes après la présentation de chaque caractère, tous des valeurs sûres, qui permet d’élargir notre horizon typographique en présentant des alternatives reposant sur les mêmes propriétés esthétiques.

Un ouvrage à faire figurer dans notre bibliothèque idéale, disponible entre autres chez Artazart, au prix de 46,55 €. Le site est consultable ici.
Toutes les illustrations sont issues du site. © Au ayants droits.

Le caractère singulier de la typographie française.

D’hier…

Au début du siècle, la typographie française reste à l’écart des mouvements d’avant-gardes européens qui inventent le graphisme moderne, et des recherches plus traditionnelles de dessinateurs travaillant pour les fabricants de nouvelles machines à composer. Après des siècles d’une grande richesse – il suffit de citer les noms de Geoffroy Tory, Claude Garamond, Philippe Grandjean, Pierre-Simon Fournier –, la création française paraît avoir sombré dans un profond sommeil. Souvent impliqués dans de complexes affaires de familles, les différents protagonistes n’ont pas eu le recul nécessaire pour réfléchir sereinement à la question. Face à cette étrange situation, les jeunes graphistes se sont mis au travail pour recoller les morceaux de l’histoire, comprendre leur héritage – ou l’origine de leur manque de connaissance en la matière–, et se resituer dans une dynamique internationale. Portés par les nouvelles technologies, ils ont stimulé la réflexion, multiplié les initiatives pour combler le retard et mobilisé leur énergie pour faire connaître et reconnaître leur pratique comme une création à part entière.

De Thibaudeau à Hollenstein
La typographie française est liée au destin de quelques personnalités dont les noms ponctuent manuels et essais, mais dont les parcours restent relativement méconnus. Au début du siècle, la typographie se compose en plomb, manuellement à l’aide de caractères mobiles, ou mécaniquement, grâce aux toutes nouvelles machines Monotype ou Linotype. Francis Thibaudeau, chef d’imprimerie depuis 1914 de l’une des plus grandes fabriques de caractères, la fonderie Peignot, publie La Lettre d’imprimerie (1921), qui contient sa fameuse classification de caractères, et le Manuel de typographie française (1924), tous deux symboliques de la création de cette époque. Alors qu’au même moment, le Bauhaus met au point, à Weimar, un enseignement fondé sur les expérimentations modernistes des mouvements d’avant-gardes, Thibaudeau choisit de composer ses volumes en Auriol, un caractère typiquement Art nouveau. En 1923, Charles Peignot prend la tête de l’entreprise et organise le rapprochement avec la fonderie Deberny. Après la commercialisation du Naudin et du Sphinx, il change d’orientation. Il décide, en 1930, sur les conseils de Maximilien Vox 1, de publier l’Europe pour faire face au succès du révolutionnaire Futura, le caractère géométrique sans empattement, dessiné en Allemagne par Paul Renner (1927). Charles Peignot se contente de réinterpréter le modèle, sans proposer une réelle création, contrairement à Stanley Morison, directeur artistique de la société Monotype en Grande-Bretagne, qui commande à Eric Gill une linéale originale, le Gill sans, novatrice par son dessin à la fois classique et moderne.

C’est avec Cassandre que le Modernisme fait son apparition dans la maison. Cassandre « ose » le Bifur, caractère de titrage imaginé pour composer des « mots affiches », des mots qui « claquent », et participent pleinement à la nouvelle poésie urbaine. En 1937, il poursuit avec le Peignot, linéale audacieuse à pleins et déliés, présentée sous la forme d’un alphabet unique. Dans les années cinquante, Adrian Frutiger, jeune typographe suisse embauché par Charles Peignot, et Roger Excoffon, dessinateur de la fonderie Olive (l’autre fonderie majeure, installée dans le Sud de la France), redessinent, dans deux directions opposées, les formes de la typographie française. Frutiger met au point l’Univers (1954-1957), un caractère sans empattement, spécialement adapté à la photocomposition, un procédé photomécanique qui remplace la composition au plomb. Utilisant le principe du gabarit pour rationaliser un dessin aux multiples déclinaisons, il invente une alternative à l’esthétique constructiviste. Roger Excoffon, de son côté, prend possession de la rue; ses alphabets envahissent la vie quotidienne et il devient, pour reprendre l’expression du créateur hollandais Gérard Unger, « le responsable » de l’identité visuelle du pays tout entier.

Le nom d’Albert Hollenstein, disparu accidentel­lement, reste dans les mémoires associé à la typographie des années soixante et soixante-dix. Après avoir eu la bonne idée d’importer le caractère Helvetica en France, ce jeune suisse crée, avec Albert Boton, le Brasilia, une linéale aux formes molles et élargies, typiques de cette époque. Son atelier publie également de nombreux caractères de phototitrage, une technique qui offre des possibilités d’expérimentation beaucoup plus souples et stimule la recherche.

Et d’aujourd’hui

La révolution du numérique
Dans les années quatre-vingt, le numérique bouleverse la pratique de la typographie, entièrement articulée autour de l’industrie de la photocomposition, et engendre un véritable renouveau. Celui-ci est en beaucoup de points comparable à l’effervescence du début du siècle, lorsque les avant-gardes du Modernisme définissaient l’espace d’un terrain d’expérimen­tation, et que les dessinateurs traditionnels multipliaient les créations pour les fabricants de machines modernes.

Les nouvelles méthodes redéfinissent les idées : plutôt que de forcer les anciens standards à s’adapter, mieux vaut en inventer. Le Macintosh a la particularité de mettre en évidence le procédé, que l’on peut étudier en même temps que le résultat lui-même. L’apprentissage de l’aspect technique du dessin de la lettre n’a plus rien à voir avec ce qu’il était. Vectoriser une lettre, c’est-à- dire faire apparaître ses contours à l’écran, permet de comprendre l’architecture du signe, son dessin, constitués d’éléments repérables. Alors qu’auparavant, un alphabet pouvait être considéré comme I’« œuvre d’une vie » — ce qui avait tendance à rendre cet objet intouchable et à le parer de vertus mystérieuses-, la technique propre à la création de caractères ne représente plus une barrière. La relative facilité de manipulation des logiciels permet aujourd’hui de tester beaucoup plus rapidement les idées et la réalisation d’un alphabet dans son ensemble n’est plus une tâche gigantesque.

La distinction entre le labeur (caractères utilisés pour la composition de textes courants) et le fantaisie (caractères destinés à la composition des titres) est devenue moins claire, et les classifications ne fonctionnent plus aussi parfaitement.

Des polices de titrage sont remises en lumière et reprennent aujourd’hui toute leur saveur. Les graphistes ne se contentent plus des « valeurs sûres » et redécouvrent le plaisir d’avoir à leur disposition un ensemble de possibles. Ainsi, après avoir été mises en quarantaine pour cause d’indigestion générale, les créations de Roger Excoffon nous reviennent aujourd’hui ragaillardies, via la Hollande, et revoient le jour çà et là, en dehors des devantures des bars-tabac qu’elles n’ont jamais quittées.

Les initiatives actuelles
Même si cela n’est pas encore évident dans la production graphique générale, un intérêt réel naît pour la typographie. Il aboutit, en 1985, à la fondation à Paris de l’Atelier national de création typographique, à l’initiative du ministère de la Culture et de l’Imprimerie nationale, dans le cadre d’un plan de relance de la typographie française. Dirigé depuis 1990 par Peter Keller, l’atelier offre la possibilité à des étudiants ou à de jeunes professionnels de poursuivre leur formation, avec une bourse du Centre national des arts plastiques, au-delà du cursus traditionnel en école d’art. De nombreuses personnalités, contribuant aujourd’hui au renouveau de la typographie en France, se sont rencontrées à l’atelier. Beaucoup d’anciens stagiaires enseignent à Paris ou en Province ; certains ont entamé des recherches historiques qu’ils mènent à titre personnel ou dans le cadre universitaire. Stagiaires et intervenants de la toute première génération, Michel Derre, Margaret Gray et Frank Jalleau se sont retrouvés en 1992 pour fonder à l’école Estienne un atelier de création typographique.

D’autres initiatives se concrétisent sous forme de conférences ou d’expositions. Le centre Georges-Pompidou, dans le cadre des Revues parlées organisées par Romain Lacroix, a fait appel à Hector Obalk, critique d’art, pour une série de conférences intitulée « Sensible à la typographie ». Celui-ci a pu développer une approche originale pour sensibiliser des auditeurs néophytes à « cet objet esthétique tout à fait particulier qu’est la typographie » et faire avancer la réflexion chez les spécialistes. Le Festival de l’affiche de Chaumont, en Haute- Marne, en consacrant sa huitième édition au thème Jeux de lettres, a permis de faire découvrir la richesse et les possibilités de l’expression typographique dans l’affiche à travers le monde. Les Rencontres de Lure, outre leurs séminaires provençaux de l’été, réservés aux membres de l’association, donnent régulièrement rendez-vous aux Parisiens pour venir écouter des créateurs présenter leur travail. Dans un autre registre, la Bibliothèque nationale de France présente, en ce moment, le deuxième volet de la série L’Aventure des écritures, trois expositions riches de trésors, accompagnées de catalogues de référence, par leur contenu et leur conception graphique. Cependant, dans l’édition généraliste, les choses ne bougent guère. S’il faut encourager la ténacité des Éditions Allia qui rééditent, avec une approche graphique toujours de qualité, le seul texte de Jan Tschichold traduit en français, Livre et typographie, ou le travail, plus traditionnel, des Editions des Cendres, on ne peut que déplorer la rareté des livres disponibles en français… Et souligner l’ambiguïté de certains ouvrages dont la lourdeur graphique fait douter de la pertinence des conseils qu’ils renferment.

Le circuit économique
Le choix des caractères mis sur le marché est fait par les éditeurs de fontes, qui influent ainsi sur la qualité globale de la production. Après le vide engendré par la disparition des fonderies en France, la situation commence, dans ce domaine également, à changer. Responsable chez Agfa Gevaert de la mise à jour de la collection exclusive Créative Alliance, Allan Halley spécialiste de la typographie, monte en 1995 une opération en France. Six créateurs, Albert Boton, Frank Jalleau, Olivier Nineuil, Jean-François Porchez, Thierry Puyfoulhoux et Pierre di Sciullo sont publiés en même temps. Tous ont des profils extrêmement différents, et les créations ont peu de rapport les unes avec les autres : ce choix donne, au final, une image très fidèle de la création française, où aucune « école » ne se dégage et où chacun préfère travailler dans son coin. Participant à son niveau à une relance de la pédagogie en la matière, FontShop, à la fois distributeur et éditeur, publie un catalogue de caractères de références, le FontBook, dans lequel on trouve la quasi totalité des fontes numériques 4 A chaque réédition les auteurs mènent une réflexion sur l’utilisation de ce genre d’objet. Le nouveau FontBook abandonne le classement alphabétique et propose une classification pertinente en catégories simples et compréhensibles. Le petit catalogue des exclusivités FontFont adopte une classification spécifique; « pas tout à fait logique du point de vue scientifique, mais efficace et facile à utiliser ». Ainsi le terme « typographique » est utilisé pour désigner la famille des caractères de labeur. Des appellations voient le jour, comme « ironique » ou « intelligente », symboliques des enjeux de la création contemporaine, et installent de nouveaux repères pour identifier les alphabets. Le site Internet de FontShop France, qui a nécessité deux années de travail, met en œuvre un moteur de recherche très sophistiqué. L’utilisateur peut chercher sa police simplement en rentrant son nom ou celui de son auteur, mais aussi de façon intuitive, en utilisant une classification, synthèse des grandes classifications existantes. Pour l’instant, le catalogue FontFont contient, en tout et pour tout, quatre séries de créations françaises… Reflet de notre éveil tardif, cette faible représentation souligne également une situation économique difficile. En France, les polices ne sont pas achetées mais copiées, et les dessinateurs de caractères vivent rarement de leur travail. Le piratage est la conséquence de l’absence de culture typographique. En effet, si la typographie n’est pas considérée comme création à part entière, pourquoi l’acheter?

Les créateurs au travail

Même si les innovations techniques font gagner du temps, la création de caractères reste un processus lent et minutieux. Toutes les énergies doivent tendre vers un même but, l’équilibre et l’harmonie de l’ensemble, par la mise au point minutieuse de chacun des détails. Les lettres n’ont pas toutes la même histoire et, dans leur dessin, se retrouve la trace de leur naissance, fruit d’une expérience particulière. Le dessinateur est un auteur, un créateur qui peu à peu invente son vocabulaire de formes et définit l’approche conceptuelle d’une expression qui lui est propre.

La lettre est un monde
La plupart du temps, pour les dessinateurs de caractères, l’alphabet est un système suffisamment large pour être considéré comme un monde en soi, riche d’une symbolique immense qui renvoie à l’origine de toutes choses. L’écriture développe sa propre logique interne, et peut largement nourrir toute une vie de recherches. Dans cette mouvance, rares sont ceux qui cherchent à utiliser leurs créations; ils préfèrent laisser à d’autres le soin de le faire. La discipline typographique tend vers une certaine abstraction, et les enjeux de la création sont souvent difficiles à définir par les mots. Certains, comme Adrian Frutiger, ont lancé le pari d’y parvenir et l’ont tenu. A travers ses ouvrages, ses conférences et ses expositions, il a souvent raconté sa passion pour les linéales, sa fascination pour la forme première, la « Urform », et l’expression élémentaire du trait, à la recherche d’une tension maximale entre forme intérieure et forme extérieure. Les jeunes créateurs doivent consacrer une grande part de leur énergie à se faire connaître et à sensibiliser le public. Afin de mieux promouvoir son travail, Jean François Porchez a profité du succès remporté par son caractère imaginé spécialement pour le journal Le Monde, pour créer sa propre fonderie sur Internet et éditer une « gazette » composée d’articles régulièrement mis à jour. Représentant de l’Association typographique internationale en France, il multiplie les activités : pour répondre à l’indifférence générale vis-à-vis de la typographie locale, il vient de concevoir l’ouvrage Lettres françaises, un spécimen qui recense de nombreuses créations récentes, avec biographie des auteurs, et dresse la liste de tous les alphabets français de ce siècle. François Boltana, calligraphe et dessinateur de caractères, est un des premiers à avoir imaginé un mode de diffusion totalement indépendant. Depuis une dizaine d’années, il oriente sa recherche vers l’adaptation de la calligraphie aux contraintes de la composition informatique. Pour l’Aurore, une écriture anglaise de titrage, il a inventé les « planches de lettres transfert informatiques » qui permettent aux utilisateurs de composer leur texte lettre par lettre, par simple « copier-coller ». Ses polices, Champion et Messager, fonctionnent avec un programme spécial qui enrichit automatiquement les textes par l’apport de signes contextuels (signes dont la forme varie selon leurs positionnement dans la phrase).

Un outil pour interroger le quotidien
D’autres créateurs sont beaucoup moins dans la recherche de I’« idéal », et revendiquent une implication dans le quotidien. Ce qui compte, c’est l’étude d’un contexte, la connexion au sujet et la pertinence du questionnement. L’alphabet n’est plus une abstraction, et peut être considéré comme un univers de liens, à travers lesquels se tisse le sens du texte et se dessine la complexité de la relation au lecteur. Pierre di Sciullo aime dire qu’il fait de la « déneutralisation typographique ». Il revendique une attitude « non effacée » et s’attaque volontiers aux conventions qui régissent la typographie. Imaginant ses premiers caractères comme des outils pour « agir » sur les textes et multiplier les évocations, il choisit de raisonner en terme de lecture et non de lisibilité, pour installer une expérimentation de l’ordre du jeu et du déchiffrement.

C’est dans le cadre de son expérience de graphiste que Gérard Paris-Clavel a construit une réflexion sur la typographie et la création de caractères 5 Alors que, dans la commande habituelle, la typographie est utilisée pour affirmer l’identité de l’émetteur, elle prend ici une valeur symbolique tout autre et devient la matérialisation de la parole du créateur, dans un ensemble de références politiques et poétiques qui sont les siennes. Ainsi, Roman Cieslewicz employait-il très souvent le même alphabet – le Blok, une fonte des années vingt – se l’appropriant comme l’un de ses dessins, d’une manière telle que celui-ci amenait sa part de sens. Grapus avait également ressenti ce besoin, et inventé une expression graphique globale où l’écriture manuscrite, composée de façon aussi précise qu’aurait pu l’être un caractère typographique, participait activement à la construction de l’image. Avec le caractère le Rue, Gérard Paris-Clavel poursuit cette démarche, vers la mise en forme d’une parole manifeste, une parole de rue revendicatrice, appelée à vivre dans un ensemble de supports différents où le texte et l’image se renforcent l’un l’autre. Cet alphabet est devenu une sorte de signature, l’écriture d’une attitude qui s’affirme de sujet en sujet, au-delà du sujet, puisqu’un même travail peut être réutilisé ou réinterprété selon les circonstances.

Une écriture sur la ville
Le centre Georges-Pompidou, en travaux depuis quelques années, a mis en place une signalétique provisoire, afin de mieux informer les Parisiens sur son fonctionnement et ses activités pendant cette période. En 1994, à la demande de l’architecte Patrick Rubin de l’agence Canal, Pierre Bernard, qui dirige l’Atelier de création graphique, a réfléchi à un système de signalisation adapté aux palissades et bâches blanches imaginées par l’architecte pour cacher les travaux. Considérant ces bâches comme de gigantesques pages posées sur le bâtiment, l’atelier a décidé d’inventer un alphabet spécifique et de privilégier le texte par rapport à l’image. Cette référence à l’écriture permettait de ne pas lutter avec les différentes approches esthétiques des œuvres exposées à l’intérieur du centre, tout en affirmant, à l’extérieur, l’expression très forte d’un lieu toujours vivant. Avec cette installation, la façade est devenue support d’information pure – toutes les activités, des plus intimistes au plus médiatisées, sont annoncées – « réécrite » pour donner lieu à une spectaculaire création évolutive.

La trace d’une histoire
Les grandes structures travaillant sur l’identité visuelle des entreprises ou sur l’image de marque ont toujours eu recours à des dessinateurs de caractères. Pendant des années, elles ont même été le refuge principal des dessinateurs qui, comme Albert Boton au sein de l’agence Carré noir, trouvaient ainsi un moyen de mettre en œuvre quotidiennement leur compétence d’orfèvre ultra spécialisé. En effet, au-delà du dessin du logotype, Il est relativement fréquent que la déclinaison complète d’une police exclusive soit confiée à un créateur, lors de la refonte d’une identité visuelle. Ainsi, Gilles Deléris, directeur artistique de l’agence W et cie, vient de faire appel à Jean-François Porchez et à Serge Cortesi pour dessiner deux alphabets. Pour les sociétés possédant de nombreuses filiales, le but est d’organiser un système de reconnaissance permettant d’identifier l’appartenance au groupe. L’usage de la nouvelle fonte, associé à l’application d’une charte graphique, va permettre de rationaliser les supports et de clarifier la multitude des messages émis.

Le travail est très dirigé : les concepteurs de l’agence demandent au créateur de caractères d’aboutir une fonte dont l’esthétique est déjà définie dans ses grandes lignes. Il est évident qu’ici, la qualité de la réponse dépend étroitement de celle de la demande qui ne peut être formulée correctement que par des professionnels ayant une grande sensibilité à la lettre. Frank Jalleau est le dessinateur attitré de l’Imprimerie nationale, où il partage son temps entre ses recherches pour le secteur fiduciaire (des polices pour des papiers d’identité qu’il est interdit de dévoiler) et son travail sur les alphabets du patrimoine. L’imprimerie possède un trésor enfermé dans le Cabinet de poinçons, entretenu soigneusement par l’un des derniers graveurs, Christian Paput. Frank Jalleau utilise des sortes d’épreuves, réalisées à partir des poinçons originaux, pour dessiner ses versions contemporaines. Après avoir travaillé sur le Romain du Roi et le Garamont, il vient de terminer la numérisation du Perrin, une restauration mise en chantier par Jean-Renaud Cuaz et Ronan Lehénaff sous la direction de Ladislas Mandel et José Mendoza, au tout début de l’Atelier national de création typographique, alors présidé par Georges Bonin. Les numérisations des alphabets historiques exclusifs sont destinées aux ouvrages des éditions de l’Imprimerie nationale qui, après avoir longtemps maintenu la tradition de la composition au plomb, utilise maintenant la PAO.

Et maintenant qu’allons-nous faire ?
Avec Internet, la typographie entre dans une nouvelle ère. L’OpenType, format de description de polices de caractères numériques, devrait bientôt remplacer les formats en vigueur. Cette norme qui permet de concevoir des polices « légères » beaucoup plus complètes qu’à l’heure actuelle (avec les signes nécessaires à la composition de plusieurs langues), va donner aux pages Web une qualité qu’elles ne possèdent pas encore. Dans l’édition, l’usage des fontes OpenType aura aussi ses avantages : alors qu’aujourd’hui, les chiffres bas de casse et les petites capitales se trouvent dans des fontes séparées, appelées Expert, elles seront incluses demain dans une seule fonte et leur composition sera beaucoup simple.

Au niveau économique, le développement du commerce électronique a permis la naissance d’une multitude de petites fonderies, qui disposent là d’une vitrine virtuelle bon marché. Si la relative simplicité de la chose est, en de nombreux points, très positive, on peut cependant craindre un rapide phénomène de saturation. Certaines fonderies ont, en effet, tendance à se plagier et à mettre sur le marché de très mauvais caractères. Les modes se succédant désormais à une allure incroyable, comment la typographie pourra-t-elle résister au pur phénomène de consommation et rester dans la recherche fondamentale? Face à une telle situation, on peut comprendre l’attitude, à priori surprenante, de créateurs qui choisissent de s’isoler du monde de la production, en refusant de jouer le jeu à tout prix. Il est quelquefois nécessaire de s’arrêter un peu pour réfléchir. Toutes les pratiques quotidiennes et la relation au travail sont en pleine mutation. Il est impossible de demander indéfiniment au même individu d’accroître ses compétences et d’assurer des fonctions assumées auparavant par plusieurs, sans que cela nuise à la qualité de la production. Il suffit de penser au graphiste : plus le métier paraît « facile » vu de l’extérieur, plus il est difficile à vivre de l’intérieur. Il doit aujourd’hui posséder des connaissances aussi bien en photogravure, qu’en composition, maîtriser le code typographique et savoir gérer les corrections, apprendre sans arrêt le maniement des nouveaux logiciels, et considéré comme simple pièce de la machinerie générale, il peut être remplacé du jour au lendemain si le commanditaire trouve moins cher ailleurs. La création typographique relève d’une logique bien différente : quelle que soit l’accélération des technologies, les références au geste et au temps humain, et surtout la lente maturation des idées qui fait naître les formes, seront toujours indispensables.

Merci à Jean-François Porchez pour ses éclaircissements apportés à la définition de l’OpenType, ses conseils pour l’élaboration de la bibliographie.
Pour voir ce texte commandé par le Centre National des Arts Plastiques en 1999, aujourd’hui en ligne, cliquez ici. Pour le voir avec les illustrations, télécharger le pdf, ici (design Pierre Péronnet).

 

Des affiches de présentation de caractères.

Voici le premier travail des étudiants de troisième année d’arts graphiques de l’ÉSAG-Penninghen, une affiche-specimen, à la fois présentation fonctionnelle, esthétique et pédagogique d’un grand caractère de l’histoire typographique.

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Merci à Jeff Blunden qui m’assiste pour ce cours.