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Parole de créateur de caractères. Dominique Moulon de l’Epsaa s’entretient avec Jean François Porchez.

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Jean François Porchez dirige Typofonderie, une fonderie typographique créée dans les années 90. Si, au début, il ne diffuse que ses propres caractères, il accompagne maintenant d’autres créateurs qu’il commercialise également. En parallèle, il est à la tête de ZeCraft qui crée des caractères sur-mesure pour des entreprises, des marques. Créateur de caractères est la terminologie précise qu’il utilise pour définir son métier, différent du typographe, qui est l’utilisateur, souvent un graphiste qui aime la typographie, un graphiste expert en ce domaine. 

La lettre typographique n’a pas toujours la même fonction : le plus souvent, elle doit s’effacer dernière le message mais, quand elle possède une fonction identitaire, elle doit affirmer un univers, se mettre en avant et devenir la voix de l’émetteur.

Le rythme, le temps de la création typographique, est plus lent que celui du graphisme. Certains caractères deviennent intemporels, d’autres s’inscrivent directement dans une période et deviennent signes de cette époque. Un usage particulier peut leur donner un statut de référence, comme dans le cas des linéales géométriques devenues repères des marques de luxe depuis le logotype de Chanel qui fit date dans l’histoire du graphisme. En créant le Parisine, pour la RATP, dans les années 90, Jean François Porchez voulait quelque chose de doux, rond, intemporel, fonctionnel. Ce caractère a pris valeur de symbole de la ville de Paris par son usage, comme le Jhonston pour Londres et l’Hevetica pour New York.

L’invention de la courbe de Bézier au début des années 70 permet de diminuer la lourdeur du “poids” informatique de la définition de la forme. Ce type de courbe est la base du langage PostScript, né les années 80, que l’on utilise encore aujourd’hui. Si, dans un premier temps, les outils techniques ont évolué pour “rattraper” la qualité d’avant l’invention des ordinateurs, ils permettent aujourd’hui d’aller plus loin. Le texte est aussi beau qu’à l’époque de la Renaissance mais il est doté des dimensions de temps et de proportions qui sont totalement nouvelles, qui ne sont plus fixes.

Le web est un univers de lettres, de textes. À l’écran, la distinction avec/sans empattement n’a plus de sens, la qualité de l’affichage détermine le caractère, la forme si nécessaire (exemple de l’écran led qui nous fait revenir au pixel, au Bitmap, et devrait évoluer très vite). Le web et l’usage des smartphones ont promu un regain du goût pour la culture typographique, car c’est le texte qui est primordial et en parallèle, on assiste au grand retour du lettrage – lettres dessinées à la main –, lié au retour du désir, du besoin, du “fait main”. Le métier de peintre en lettres revient, plus pointu car riche de la culture mondiale et des échanges. Le goût de composer avec des caractères bois, mobiles, en atelier typographique comme à l’ancienne, résulte de ce même désir. 

L’ensemble est à retrouver ici : http://moocdigitalmedia.paris/cours/creation-typographique/

 

 

Typofonderie, la fonderie de Jean François Porchez.

Pionnière de nos fonderies made in France, Typofonderie, créée par Jean François Porchez en 1994, s’est métamorphosée cette année : un nouveau site, une équipe élargie et le désir de publier des caractères de nouveaux créateurs.

Petit retour sur les classiques de la fonderie.

Les humanes sont rares et j’ai un faible pour elles ; l’Apolline en est une, qui affirme ses rondeurs et sa souplesse. Il garde de l’écriture la fluidité mais jamais l’anecdote. C’est un des tout premiers caractères de Jean François Porchez créé en 1993, et complétée au fil des ans en fonction des nouveaux standards technologiques. Il est basé sur sa propre écriture calligraphique sur laquelle il expérimente les procédés de stabilisation d’une écriture manuelle vers une écriture typographique, une méthode qui est aujourd’hui la base de son enseignement du dessin de la lettre.

Initialement dessiné pour la RATP, le Parisine est aujourd’hui une série très complexe et complète qui se décline du Parisine standard au Parisine Office qui peut être considéré comme la version texte du premier et possède une étonnante variation toute en ligatures, au Parisine Plus, une variante informelle que les parisiens voient également régulièrement sur les façades du Musée du quai Branly. C’est une linéale humaniste, qui allie souplesse et construction et se plie volontiers à tous les usages.


Créée par Jean François Porchez en 2001, l’Ambroise est une interprétation contemporaine de certains caractères Didot de style tardif conçus vers 1830. Il est composé de 3 versions de largeur différente, chaque jeu de chasse portant un nom relatif aux différents membres de l’illustre famille de fondeurs et d’imprimeurs Didot. Remarquable par ses A et E alternate arrondis (variantes contextuelles activées ou non par l’utilisateur), ses y, k, et g si particuliers, l’Ambroise joue avec les connotations habituelles des didones pour leur ouvrir, sans les exclure, des champs d’application plus larges que ceux du luxe et de la mode.

Le Monde est une sériale aux nombreuses surprises ; au départ conçu comme une série multistyles pour la presse où, sur un squelette commun, se déclinent les caractéristiques de grandes familles de caractères (transitionnelle, linéale, mécane), chaque fonte offre désormais des possibilités propres qui permettent de les faire exister également par elles-mêmes. Ainsi le Monde Courrier est-il une mécane douce, très lisible à l’écran, et le Monde Journal un caractère spécialement destiné aux petits corps. Le Monde Livre Classic permet de renouer avec toutes les subtilités des caractères de la Renaissance avec, par exemple, ses italiques ornées, à paraphes.

Les créations récentes.

L’Allumi et l’Ardoise sont les 2 dernières créations de Jean François Porchez diffusées par la fonderie. Deux linéales, travaillées comme toujours – c’est un peu la marque de fabrique de Jean François Porchez pour tous ses caractères de texte – dans un esprit humaniste, fluide, courbe, et tendu à la fois. L’Allumi existe en 2 chasses, standard et large. Une série ultra-complète, comme toujours là aussi, qui fait des clins d’œil à la technologie avec son squelette tendant vers la géométrie, légèrement carré, comme le sont souvent les caractères utilisés pour le high-tech, l’industrie, l’automobile. L’Ardoise est né d’une recherche débutée avec la publication du caractère Charente en 1999, dessiné pour le quotidien La Charente libre. 4 chasses, 9 graisses de base, donnent à l’Ardoise des possibilités d’utilisation multiples, même s’il est destiné à la presse au départ.

Le Geneo.

Créé par Stéphane Elbaz en neuf graisses, le Généo est une garalde-mécane, typique de l’avancée dans la conception de caractères de ces dernières années. Cette nouvelle approche, en effet, semble correspondre à un véritable besoin, autant dans l’imprimé que dans le numérique. Dans la lignée du Monde Courrier, il allie formes modernes, issues du XIXe siècle, et exigence traditionnelle, issue des habitudes et contraintes de lisibilité des textes longs. Un axe oblique, une vraie italique, des versions light, rares pour un caractère à empattements, des contre-formes ouvertes, tous ces points donnent beaucoup de caractère au Geneo.

L’équipe de Typofonderie est aujourd’hui constituée de Jean François et Véronique Porchez, Mathieu Réguer, Jérémy Landes Nones et Sonia da Rocha.

Les illustrations sont extraites du site et des différents specimens de la Fonderie, envoyés avec les fontes.